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L’état de flow, quand productivité, efforts et plaisir s’équilibrent

T’est-il déjà arrivé de te sentir absorbé dans une activité au point d’en perdre toute notion du temps, d’appétit ou de fatigue ? Que ce soit à l’occasion d’une partie de tennis, d’un solo de guitare ou encore d’une session d’écriture intense, tu auras probablement déjà expérimenté, au moins une fois au cours de ta vie, cette sensation d’implication totale dans une tâche, excluant toute autre envie ou besoin. Cet état psychique d’engagement absolu a un nom : le flow ; ou « flux », en français. Comme son nom l’indique, en faire l’expérience revient à focaliser ton attention d’une façon soutenue et continuelle – qui flue et t’emporte tel le courant d’une rivière – sur l’accomplissement d’une tâche.

 

Il va sans dire qu’à une ère où les notifications et le multitâche dominent, cette faculté de concentration se présente comme d’autant plus précieuse, notamment dans le contexte d’un apprentissage efficace. Dans cet article, tu vas découvrir en quoi l’expérience du flow peut changer ton rapport aux études et comment le déclencher.

Aux origines du flow

            En remontant la source du flow, on trouve un spécialiste dont le concept est bien plus facile à appréhender que le nom de famille. 

            En effet, c’est à partir de 1975 que le psychologue hongrois Mihály Csíkszentmihályi théorise la notion flow, à l’occasion des recherches qu’il mène à propos du lien entre attention et quête du bonheur. Dans son étude1, il qualifie alors le flow comme un état « d’expérience optimale » dans lequel on est « totalement immergé dans une activité ou une expérience pour elle-même ».

            En fait, l’état de flow repose sur ta motivation intrinsèque, c’est-à-dire la motivation que tu éprouves pour une activité en elle-même, et non les perspectives de gain qu’elle pourrait potentiellement t’apporter. Par exemple, si tu es musicien et que c’est le plaisir que tu ressens à jouer qui suscite chez toi l’envie de répéter un morceau, plutôt que la perspective de recevoir un prix ou autre gratification, tu es sans nul doute guidé par une forme de motivation intrinsèque.

            Pour quantifier les différentes variations possibles au sein du flow, les chercheurs Heutte & Fenouillet ont ainsi construit en 2010 une échelle nommée « Flow4D16 »2. Quatre niveaux s’y succèdent, allant du sentiment d’absorption cognitive où l’on se sent engagé dans une tâche, sans ressentir ni anxiété ni ennui ; jusqu’au sentiment d’extase, donnant l’impression de se soustraire au monde (cf. tableau comprenant les quatre niveaux de cette échelle, trouvable ici, et dont la validité est exprimée dans cette étude).

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            Il va sans dire que plus le niveau de flow est élevé sur cette échelle, plus il est puissant, mais également difficile à atteindre et maintenir dans la durée.

Pourquoi chercher le flow ?

            Les raisons susceptibles de te motiver à atteindre le flow sont nombreuses, et peuvent aussi bien servir des ambitions personnelles que professionnelles. En effet, cet état psychique a pour particularité de produire l’impression que la tâche à laquelle tu t’adonnes ne nécessite pas d’effort. Totalement immergé, tu détiens alors la sensation d’un contrôle et d’une puissance absolue sur la situation. Il est évident qu’une telle expérience puisse être grisante, surtout à une époque où la passion s’inscrit comme maître mot dans la définition de l’emploi idéal.

            Et il ne s’agit pas que d’une impression subjective : durant l’état de flow, le cerveau libère différentes hormones (l’endorphine, la sérotonine et la dopamine étant les plus connues) qui   génèrent plaisir et motivation, ce qui aura pour effet d’impacter positivement la qualité de ta concentration, et, in fine, de ton apprentissage. Pour quelle raison ? Parce que l’état de flow améliore ta capacité de rétention d’information en mémoire de travail, de vitesse de traitement, d’adaptation et de créativité.

            A ce stade, il serait naturel que le flow puisse te semble relever d’une forme de magie, tant ses atouts sont multiples. Il faut dire que malgré l’intensité des recherches à son sujet, une part de flou demeure. En effet, si on observe sans problème les effets physiologiques du flow (la libération d’hormones), il est plus ardu d’en comprendre le déclencheur. On constate néanmoins une baisse de l’activité du cortex préfrontal (une zone de ton cerveau appartenant lobe frontal, se situant au niveau de ton front). Une piste d’explication serait que cette zone, normalement dédiée à la planification, serait moins stimulée puisque le flow induit la perte de la notion du temps, de la conscience de soi et l’absence d’auto-critique (en somme, tu serais trop absorbé par ton pour remettre en question sa qualité ou ta légitimité, te permettant alors d’esquiver les pensées parasites ou le classique « syndrome de l’imposteur »).

            Tu l’auras compris, dans le flow, les émotions peuvent donc employées au service de la performance et de l’apprentissage, pour peu que l’on mette en place certaines techniques. 

Comment déclencher le flow ?

            A présent que tu saisis mieux les enjeux du flow, tu as certainement envie d’apprendre à le générer afin de t’aider à apprendre de façon plus efficace. Si entrer dans cet état psychique ne se décrète pas et que chacun dispose de sa propre sensibilité, à même de varier selon des critères tels que la motivation initiale pour le domaine, l’affection de la matière, l’humeur, le stress éventuel ou encore l’état de fatigue actuel ; il existe néanmoins des conseils que tu peux appliquer pour favoriser son apparition. Voici donc trois recommandations tirées des travaux de Csíkszentmihályi :

1. Se livrer à une activité comportant des contraintes et des règles clairement définies

            Tu l’auras compris, le flow est synonyme d’une attention soutenue et focalisée portée une tâche en particulier. Or, pour se déclencher, il nécessite que les conditions d’exercice de cette activité soient clairement définies. Comment imaginer, par exemple, pouvoir mobiliser l’entièreté de ta concentration sur une séance de révision sans avoir défini au préalable quels cours tu dois apprendre, de quelle manière et en combien de temps ; ne serait-ce qu’approximativement ? On le sait, se lancer dans une séance d’étude sans ces garde-fous est la meilleure façon de se retrouver à jongler entre plusieurs activités sans grand résultat, voire à se laisser happer par des sources de distractions externes, qui ruineraient évidemment toute possibilité d’apparition du flow.

            Pour favoriser sa venue, nous t’encourageons donc à :

  • Clairement définir le contenu que tu souhaites assimiler, ainsi que l’ordre dans lequel tu veux t’y adonner, l’idéal étant qu’il existe une logique dans ton parcours de progression. Par exemple, en médecine, tu préféreras étudier les différents systèmes nerveux avant de t’adonner à l’apprentissage des nerfs un par uns, une cohérence que tu peux transposer dans tous les domaines d’études, afin d’aménager une sorte de fil conducteur à ta réflexion, qui t’évitera également de tomber dans l’écueil du « par cœur » sans compréhension profonde.
  • Prévoir une durée conséquente pour ta session d’apprentissage. S’il n’existe pas de temps prédéterminé à partir duquel le flow apparaît de façon certaine, étant donné que sa manifestation varie en fonction des individus comme au sein d’une même personne, selon ses dispositions particulières ; il te faut accepter de consacrer un certain temps à l’étude pour t’en trouver tout à fait imprégné. En effet, extrêmement rares sont les personnes capables de se sentir totalement absorbées par un sujet au bout de cinq minutes seulement. A force de pratique, tu finiras par mieux discerner ton rythme d’apprentissage, de sorte à définir à partir de combien de temps d’apprentissage se manifeste ton pic de concentration, ou encore le moment approximatif où il te sera préférable de marquer une pause afin de ne pas saturer et empêcher l’apparition du flow. 
  • Si possible, éviter d’avoir un impératif horaire fixé à la suite de ta séance de révision, celui-ci pouvant être source de distraction, ou bien t’empêcher de perdre la notion du temps en « retenant » ton attention sur cette échéance à venir. Si, malgré tout, tu ne peux te départir de tel ou tel rendez-vous, confie le rappel de celui-ci à un réveil ou autre minuteur, afin qu’une partie de ta concentration ne soit pas mobilisée, de façon continue et sous-jacente, sur le suivi de l’heure. 

            Enfin, si la planification ne constitue pas une habitude innée chez toi, nous te recommandons chaudement la lecture notre article listant 4 habitudes pour bien réussir ton année afin d’apprendre à organiser des séances de révision efficaces, en mobilisant les techniques d’apprentissage les plus pertinentes d’après la recherche en psychologie cognitive.

2. Mettre en place des feedbacks réguliers et instantanés

            Si le flot est si délicat à obtenir, c’est qu’il résulte d’un équilibre particulier entre les différents états mentionnés dans l’illustration ci-contre :

La zone du flow selon Csíkszentmihályi, image libre de droit (source Wikipédia)

            Comme tu peux le constater, pour atteindre le flow, il est donc nécessaire de maintenir un équilibre satisfaisant entre tes compétences et le défi que représente l’assimilation des cours que tu souhaites parvenir à maîtriser. Ainsi, te livrer à une séance de révision d’un niveau élémentaire ne te sera d’aucun secours pour parvenir au flow, puisque tu ne seras pas suffisamment stimulé sur le plan intellectuel pour fournir la concentration nécessaire ou éviter de tomber dans l’ennui. A l’inverse, un niveau de difficulté trop élevé sera synonyme de frustration, qui te placera alors davantage dans un état d’esprit préoccupé et anxieux.

            Pour atteindre le flow, tu dois donc parvenir progresser de challenge en challenge dans une session d’étude faisant état d’un bon rapport entre la difficulté de la tâche et ses enjeux. Pour conserver l’aspect gratifiant du flow et atteindre la forme « d’état de grâce » qu’il permet d’obtenir, l’idéal serait que tes efforts se voient régulièrement récompensés de feedback positifs. Dans le contexte d’une séance de révision, cela pourrait par exemple se traduire par le fait de tester tes connaissances à la fin de chaque grande partie de ton cours, puis de constater que tu l’as compris et est capable d’en restituer le fond. C’est cet ensemble de petites satisfactions expérimentées à intervalles réguliers qui, mises bout à bout, te permettront de tenir ta motivation à flots – c’est le cas de le dire !

3. Adopter un environnement de travail propice

            Il va sans dire que, de même qu’il faut être prêt à dédier un certain temps à ta séance d’étude pour créer des conditions favorables à l’apparition du flow, l’environnement dans lequel tu choisis d’étudier revêt aussi une importance primordiale. En effet, ton espace de travail se doit d’être aussi défini que le contenu de ta séance de révisions : il est impératif d’éviter les distracteurs, c’est-à-dire toute personne ou objet à même de te déranger, en particulier via les systèmes de notifications intempestives que contiennent téléphones et ordinateurs portables. Pour que toute ton attention se concentre sur un seul et même objet, il te revient donc de t’aménager un espace de travail relevant du « sanctuaire », ou tu minimises au maximum les risques d’interférences avec le monde extérieur.

            L’efficacité de ces trois conseils sont néanmoins à mettre en perspective. Selon une étude menée par Demontrond & Gaudreau en 20083 sur la base des travaux de Csíkszentmihályi et qui étudiait la relation entre flow et activité sportive, la clarté des objectifs et la réception de feedbacks instantanés constitueraient des facteurs d’apparition sensiblement plus puissants que l’équilibre entre compétence et défi ou encore la nature de l’environnement de travail physique.

Let if flow !

            En conclusion, le flow constitue un état psychique à la fois agréable et gratifiant, susceptible de se manifester lorsque ta concentration et tes efforts se voient mobilisés dans des activités exigeantes tout en demeurant accessibles.

            Tu possèdes à présent toutes les clés en main pour favoriser son apparition et travailler à obtenir une attention focalisée, à même d’améliorer la qualité de ton apprentissage et, surtout ; ton plaisir à la tâche ! Toutefois, il est important de ne pas te décourager en cas de non-atteinte du flow dès tes premières tentatives – si sa venue ne se commande pas, la discipline et l’hygiène de travail saine que tu vas mettre en place pour l’obtenir ne pourront qu’être profitables à tes performances universitaires.

Bibliographie

[1] Csikszentmihalyi, M. (1991). Flow: The psychology of optimal experience. New York, NY: Harper Perennial.

[2] Heutte, J. (2011). La part du collectif dans la motivation et son impact sur le bien-être comme médiateur de la réussite des étudiants: Complémentarités et contributions entre l’autodétermination, l’auto-efficacité et l’autotélisme (Doctoral dissertation, Université Paris-Nanterre).

[3] Demontrond, P., & Gaudreau, P. (2008). Le concept de «flow» ou «état psychologique optimal»: état de la question appliquée au sport. Staps, (1), 9-21.

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