L’agencement expansif

L’effet d’espacement

Si vous ne l’avez pas encore lu, commencez par prendre connaissance de notre article sur l’effet d’espacement.

Pour rappel, pour un cours donné, plus nous espaçons nos révisions dans le temps, plus la progression est lente en apparence mais plus nos connaissances sont stables, durables et consolidées.

A l’inverse, plus nous rapprochons nos révisions dans le temps, plus vite nous mémorisons et maîtrisons les connaissances mais plus vite nous oublions.

Bachotage

C’est exactement ce que nous faisons lorsque nous bachotons. Nous allons en cours, nous apprenons de nouvelles choses et nous les oublions rapidement après. Lorsque les examens arrivent, nous nous apercevons que nous avons presque tout oublié. Nous sommes donc obligés de tout réétudier en travaillant intensément à la dernière minute, et cette méthode n’est pas toujours payante au moment de la découverte de nos résultats…

Comme vous l’avez compris, cette stratégie de bachotage n’est pas favorable à un apprentissage profond et durable. Si nous ne mobilisons pas souvent les connaissances et savoir-faire appris en cours, leurs traces en mémoire s’effacent rapidement.

A l’inverse, nous avons vu que des révisions régulières et espacées jusqu’à l’examen augmentent de façon spectaculaire la rétention à long terme. Pourquoi la majorité des étudiants ne choisissent pas cette méthode efficace de révision ?

Les raisons sont de natures différentes :

  1. Les étudiants ne sont pas conscients des bénéfices de l’effet d’espacement : c’est la défaillance du système de surveillance, autrement dit la métacognition.
  2. Si les résultats à long terme sont excellents, les performances à très court terme sont souvent peu convaincantes et donnent la sensation de ne pas vraiment progresser.
  3. Si nous révisons chaque cours chaque semaine, nous avons très peu de cours à travailler au début de l’année (seulement ceux de la première semaine) mais énormément à la fin de l’année (à la 30e semaine par exemple, il faut revoir 30 semaines de cours) ce qui fait augmenter constamment la charge de travail et déséquilibre fortement la révision entre les cours.

Existerait-il une solution de planification qui combinerait tous les avantages des différentes approches sans les inconvénients ?

Le meilleur de l’effet massé et l’effet d’espacement

Eh bien OUI . Regardons ce qu’il se passe si nous commençons avec des révisions très rapprochées et que nous les espaçons de plus en plus.

Dans un premier temps, nous allons encoder les nouvelles connaissances rapidement grâce aux révisions très proches au début, ce qui empêche d’oublier le cours que l’on vient d’avoir. C’est l’étape d’acquisition : on dépose les traces mnésiques.

Dans un second temps, nous stabilisons de plus en plus la mémoire grâce à des piqûres de rappel de plus en plus espacées. C’est la phase de consolidation.

A chaque piqûre de rappel, il faut faire l’effort de récupérer en mémoire les informations qui commencent à s’effacer pour les consolider de nouveau. En pratique, avec des applications pour programmer les piqûres de rappel, on arrive à plus que doubler l’espacement temporel entre chaque révision avec des taux de récupération de l’ordre de 90%, c’est-à-dire qu’on arrive à récupérer 9 informations sur 10, avec des intervalles qui finissent par se compter en semaines, en mois puis en années. Ces chiffres ne sont pas obtenus en laboratoire mais directement avec des logiciels pour apprendre, que nous vous présenterons. (How do I lower my 95% retention to 90% ? (for the sake of saving time) : Anki, s. d.; Med School Anki: FAQ for the USMLE Steps, Shelf Exams, and Clerkships, s. d.)

Vaccins

En fait, nous avons tous déjà utilisé cette stratégie de mémorisation dans un autre contexte : les vaccins.

Les vaccins permettent de constituer la mémoire immunitaire pour que notre organisme se rappelle durablement comment lutter contre des maladies. Eh bien pour de nombreux vaccins, l’immunité est garantie par l’administration d’une dose initiale suivie de piqûres de rappel de plus en plus espacées dans le temps.

Diminution de la charge de travail par révision

Comme évolue la charge de travail d’une révision à l’autre ?

Prenons l’exemple d’une poésie : je suppose qu’on a tous appris un jour une poésie par cœur. L’apprentissage initial est long et coûteux : il faut répéter des dizaines de fois chaque phrase pour créer une première trace mnésique solide. Si on la récite les jours suivants, cette trace devient de plus en plus solide. La vitesse de récupération en mémoire s’accélère. On n’a plus besoin de retourner lire sa poésie, de recommencer depuis le début parce qu’on se trompe, etc. Au lieu de faire une séance de 30 ou 40 minutes d’entraînement initial pour la réciter une fois correctement, on finit par la réciter à la vitesse de la lecture, en 30 ou 40 secondes, c’est-à-dire 60 fois plus vite !! Et en continuant de la réciter de temps en temps, on s’en rappelle des dizaines d’années plus tard !

Comment expliquer cette progression spectaculaire ? Initialement, cette situation d’apprentissage sollicite fortement le Système 2 : il demande de l’effort, du contrôle et il est lent.  On est capable, mais on n’est pas encore compétent.

Ensuite, plus les traces mnésiques sont consolidées, plus le Système 1 peut les récupérer automatiquement, rapidement, sans effort volontaire de notre part. On devient compétent puis de plus en plus expert.

Comment la stratégie de planification impacte la charge de travail

Bachotage

Dans les études, on doit apprendre de nouveaux cours régulièrement. Comment les différentes stratégies de planification impactent-elles ma charge de travail ?

Si nous choisissons une stratégie de bachotage, comme la plupart des étudiants, notre charge de travail devient exponentielle à l’approche des examens. Cela engendre un stress important, ce qui pousse à empiéter sur le temps de sommeil, autre facteur clé de la consolidation de la mémoire. Lors des partiels, si on réussit, c’est surtout grâce à des traces mnésiques peu solides qui risquent de s’effacer. Pourtant le contenu des cours devrait être le socle pour apprendre plus l’année prochaine ou pour exercer mes compétences professionnelles. On risque donc de se retrouver plus tard à passer notre temps à rattraper nos lacunes et donc, d’être en difficulté.

Cette stratégie assure finalement les pires performances.

Régulier

En espaçant régulièrement les cours, nous améliorons les performances d’apprentissage à long terme pour chaque cours. Pour autant, la charge de travail reste croissante avec le temps et les derniers cours du programme sont moins révisés que les premiers.

Expansif

En apprenant tout de suite après le cours puis en intégrant des piqûres de rappels de plus en plus espacées, nous pouvons tirer tous les bénéfices de la meilleure répartition de la charge de travail qui se stabilise dans le temps, de la meilleure égalité du temps de révision par cours et des meilleures performances sur chaque cours. En « enracinant » profondément les connaissances, elles finissent par venir automatiquement à notre esprit dès qu’elles sont nécessaires. Ça nous permet d’assimiler plus rapidement les connaissances avancées et d’être plus réactif au quotidien en toute situation, et donc se sentir plus confiant. (Dehaene, 2018; Gerbier et al., 2015; Logan & Balota, 2008)

N’oubliez jamais que :

  • Pour apprendre tout un programme de cours, la meilleure stratégie est d’étudier chaque cours dès que possible, puis de faire des piqûres de rappel de plus en plus espacées
  • Comme nous l’avons vu plus tôt, le principe de récupération doit être le fondement des piqûres de rappel
  • L’apprentissage initial demande l’effort d’engager le Système 2. Plus on fait de piqûres de rappel, plus des éléments sont automatisés et mobilisés par le Système 1

Bibliographie

Dehaene, S. (2018). Apprendre ! : Les talents du cerveau, le défi des machines. Odile Jacob.

Gerbier, E., Toppino, T. C., & Koenig, O. (2015). Optimising retention through multiple study opportunities over days : The benefit of an expanding schedule of repetitions. Memory23(6), 943–954.

How do I lower my 95% retention to 90% ? (For the sake of saving time) : Anki. (s. d.). Consulté 16 septembre 2020, à l’adresse https://www.reddit.com/r/Anki/comments/d9bwmy/how_do_i_lower_my_95_retention_to_90_for_the_sake/

Logan, J. M., & Balota, D. A. (2008). Expanded vs. equal interval spaced retrieval practice : Exploring different schedules of spacing and retention interval in younger and older adults. Aging, Neuropsychology, and Cognition15(3), 257–280.

Med School Anki : FAQ for the USMLE Steps, Shelf Exams, and Clerkships. (s. d.). Consulté 16 septembre 2020, à l’adresse https://www.yousmle.com/med-school-anki-faq/

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