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Qu’est-ce qui fait l’expertise ?

1. Le rôle des prérequis

Pour apprendre une nouvelle chose, on s’appuie sur ce qu’on a déjà appris. Par ailleurs, l’accès à un apprentissage spécifique demande des prérequis. On n’apprend rien à partir de rien. Il est donc crucial de maîtriser les prérequis lorsqu’on s’attaque à un apprentissage. Des lacunes peuvent déboucher sur des difficultés voire des échecs lors de l’acquisition des apprentissages.

D’un point de vue cognitif, l’élaboration de nouveaux modèles mentaux s’appuie sur les modèles mentaux préexistants. Lorsque ces modèles mentaux sont automatisés, comme la maîtrise de la lecture, ils fonctionnent automatiquement, rapidement, inconsciemment, sans effort : ils s’incorporent peu à peu au Système 1. Ça permet du coup de libérer des ressources cognitives pour traiter des problèmes cognitifs de niveau supérieur, développer des modèles mentaux plus complexes.

2. Le maillage de l’apprentissage

Quelles sont les limites de ce qu’on peut apprendre ?

En fait nous pouvons transférer des apprentissages dans des domaines contigus, c’est-à-dire directement en relation avec nos apprentissages précédents. Quand on respecte cette règle, l’apprentissage devient un cercle vertueux : plus on apprend, plus on est capable d’apprendre.

Prenons un exemple : Léo et Tom regardent ensemble la finale de la Coupe du Monde de football. Léo est passionné de foot et Tom ne regarde jamais, mais comme c’est la finale, il fait une exception. Qui va acquérir le plus d’informations durant le match ? Une réponse intuitive pourrait être de se dire que Tom, qui n’y connaît rien et a tout à apprendre, a un potentiel d’apprentissage beaucoup plus élevé. En fait, Léo possède déjà de nombreuses informations sur le foot qui lui donnent une grille de lecture beaucoup plus riche. Il connaît en partie les joueurs, les stratégies et les tactiques. Il va donc prédire, percevoir et interpréter d’infimes détails : pourquoi tel joueur a agi de telle façon, quelles erreurs ont été commises, etc.

Les informations qu’on détient dans un domaine agissent comme les mailles d’un filet de pêche. Avec un filet à grandes mailles, on ne retient que les gros poissons, c’est-à-dire les informations principales. Avec un filet à mailles fines, on retient les gros et les petits poissons, c’est-à-dire les informations principales et les détails. Plus on maîtrise un sujet, plus on est capable d’en apprendre sur ce sujet. Chaque maille est rattachée à d’autres mailles. On peut fabriquer de nouvelles mailles par exemple en faisant du transfert d’apprentissage.

Lorsqu’on va élaborer un modèle mental pour résoudre un problème, c’est à partir de nos réseaux de connaissance qu’on va reconstituer une simulation de la réalité dans notre esprit.

3. Le transfert d’apprentissage

Prenons un exemple. J’apprends le mot « sun » en anglais qui veut dire « soleil ». Et bien je rattache le sens et les connaissances acquises sur le Soleil directement au mot « sun ». Je n’ai pas besoin de les acquérir de nouveau en anglais, je transfère simplement mes connaissances acquises en français au mot en anglais. Je peux ainsi traduire le mot « sunlight » en retrouvant le sens en français de ses deux composants « sun », soleil, et « light », lumière. Mon intuition peut automatiser ce processus et me souffler que « sunlight », c’est la lumière du soleil. Je peux vérifier sur Google Translate. Eh oui, mon intuition a fait aussi bien que Google.

En fait nous pouvons surtout transférer des apprentissages dans des domaines contigus, c’est-à-dire directement en relation avec nos apprentissages précédents. Quand on respecte cette règle l’apprentissage devient un cercle vertueux : plus on apprend, plus on est capable d’apprendre. (James, 2010; Taatgen, 2013)

4. La difficulté

La difficulté d’un apprentissage traduit l’écart entre la taille de nos mailles et la taille des poissons. Si nous attrapons tous les poissons, c’est que nous avons des informations trop faciles à interpréter. Il n’y a pas de challenge pour la compréhension et donc pas besoin d’adapter le filet : on n’apprend pas et on s’ennuie. Trop de difficulté traduirait la situation où on essaye de capturer de petits poissons avec de grosses mailles. Trop d’informations nous échappent et restent incompréhensibles, provoquant un sentiment d’échec et de frustration. Il faut un ajustement entre la difficulté et nos prérequis pour que l’apprentissage soit maximal. Dans ce cas, seule une partie des informations nous échappe mais nous pouvons ajuster notre filet pour les capturer. Le challenge n’est ni trop dur ni trop facile. Il nous force à progresser sans nous condamner à l’échec. C’est ce niveau de difficulté qu’il faut rechercher pour être efficace.

Si vous vous sentez trop en difficulté dans un apprentissage, décomposez-le en étapes simples et en prérequis et accordez-vous le temps de les maîtriser. Si les exercices sont trop faciles, augmentez leur difficulté.

La zone proximale de développement

La notion de juste difficulté a été théorisée par Vigotsky à travers le concept de Zone Proximale de Développement (Kanevsky & Geake, 2004; Shabani et al., 2010).

Vigotsky théorise que ce qu’on peut faire sans aide est trop facile, ce qu’on ne peut pas faire même avec aide est trop difficile, et que niveau de difficulté optimale correspond à ce qu’on ne peut faire qu’avec aide.


D’après Vygotski — CC0Lien

La notion d’aide peut être large : il peut autant s’agir de l’accompagnement par un enseignant que de l’accès à la correction d’un exercice. Il faut donc ajuster le bon niveau d’aide au départ et progresser en diminuant peu à peu le niveau d’aide.

N’oubliez Jamais que

  • Plus on apprend sur un domaine, plus on est capable d’apprendre sur ce même domaine ou des domaines proches
  • Ceci s’explique par la notion de transfert d’apprentissage
  • La difficulté croissante permet le développement de l’expertise

Ressources complémentaires

Découvrez le rôle du contexte dans le transfert d’apprentissage (Steve Masson)

“Tenir compte de la Zone Proximale de Développement des étudiants dans son enseignement”, Université du Québec

https://pedagogie.uquebec.ca/sites/default/files/documents/numeros-tableau/tableau_v5_n1_zpd_0.pdf

Bibliographie

James, M. A. (2010). Transfer climate and EAP education : Students’ perceptions of challenges to learning transfer. English for Specific Purposes29(2), 133‑147. https://doi.org/10.1016/j.esp.2009.09.002

Kanevsky, L., & Geake, J. (2004). Inside the zone of proximal development : Validating a multifactor model of learning potential with gifted students and their peers. Journal for the Education of the Gifted28(2), 182‑217.

Shabani, K., Khatib, M., & Ebadi, S. (2010). Vygotsky’s Zone of Proximal Development : Instructional Implications and Teachers’ Professional Development. English Language Teaching3(4), 237‑248.

Taatgen, N. A. (2013). The nature and transfer of cognitive skills. Psychological Review120(3), 439‑471. https://doi.org/10.1037/a0033138

Vygotsky, L. S. (1980). Mind in society : The development of higher psychological processes. Harvard university press.

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