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Toggle1. Les modèles mentaux
Nous avons vu que dès la naissance, l’individu développe des modèles mentaux pour interpréter les évènements du monde.
Les nombreuses observations que nous récoltons d’un sujet, par exemple une voiture, nous permettent de modéliser et de simuler dans notre espace mental des scénarios inédits. Que se passe-t-il si je laisse ma voiture en haut d’une pente avec le frein à main mal serré ? J’espère que ça ne vous ait jamais arrivé, mais je suis certain que si vous fermez les yeux, vous pourrez visualiser un scénario convaincant. Vous avez constitué une simulation mentale de l’évènement à travers le modèle intuitif de la gravité et du comportement d’une voiture que vous avez dans votre mémoire à long terme (ces informations font partie de vos connaissances générales sur le monde, pour rappel la mémoire sémantique);
Ces modèles sont tirés d’observations, d’expériences vécues ou d’histoires que nous avons pu entendre, toute sorte d’informations qui ont laissé des traces dans notre mémoire à long terme.
Pour que ces modèles se développent et laissent de bonnes traces mnésiques, il est important de mieux comprendre les piliers que représentent la prédiction et le retour d’information, ou feedback, pour l’apprentissage.
2. Le feedback
Un individu engagé dans l’apprentissage va activer ses modèles mentaux pour effectuer des prédictions sur le résultat attendu d’un exercice à faire. Par exemple, je tente une réponse à l’opération 6×8 (c’est une prédiction, par exemple 64).
Sans retour d’information, aucun élément ne vient renforcer ou réfuter mon hypothèse. Il n’y a pas d’évolution du modèle mental, et de fait pas d’apprentissage à proprement parler (si ce n’est une consolidation de l’information dans ma mémoire à long terme comme nous l’avons vu dans la section précédente).
Un retour d’information de qualité va me permettre soit de confirmer mon hypothèse et de consolider ma confiance dans mon modèle mental, soit de réfuter mon hypothèse et de corriger mon modèle mental. Ce feedback peut être aussi simple que la mise en place d’une procédure de vérification en faisant appel à d’autres modèles mentaux. Par exemple en effectuant 8x3x2 ou encore 8×5+8.
Multiplier les expériences pour tester l’efficacité de son modèle mental, par exemple faire régulièrement des exercices, permet de consolider, de fiabiliser, de calibrer et finalement d’automatiser son modèle mental. C’est ce que fait le petit enfant lorsqu’il jette des objets par terre, ou le champion de tennis lorsqu’il s’entraîne. Lorsqu’on apprend à coder, notre cerveau apprend et automatise la syntaxe, mémorise la place des touches sur le clavier ainsi que les saisies les plus fréquentes et prédit le comportement du logiciel : tout ça développe de nombreux modèles mentaux.
Le feedback est un élément clé dans ce processus, à la fois pour fiabiliser le modèle, mais également pour le valoriser. Nous nous attachons à développer des compétences qui nous sont utiles et qui nous valorisent. Tout le monde aime se sentir intelligent et apprécié, et il y a un plaisir à bien faire les choses, ce qui est un excellent levier motivationnel.
2.1 La prédiction
Les modèles mentaux se combinent entre eux pour donner une représentation globale du monde et de son fonctionnement. Ces modèles existent pour tout : des modèles mentaux pour la gravité, la lumière, les relations interpersonnelles, la nature des objets et leurs usages, etc.
De nombreuses expériences expliquent que nous anticipons l’avenir avant même de le percevoir : la trajectoire d’une voiture, ce qu’on va trouver derrière la porte de son logement, les blagues lourdingues de notre père, etc. Notre système de pensée bayésien est un système prédictif. Ce sont surtout les évènements contredisant nos prédictions qui conduisent notre cerveau à corriger nos modèles mentaux. Un principe général pour obtenir un apprentissage, c’est de commencer par faire un effort de prédiction.
C’est important de le savoir car l’effort de générer des prédictions n’est pas constant, il dépend de notre implication dans une tâche.
Prenons un exemple : je réponds à un quiz de ma formation « Apprendre à apprendre ». Soit je cherche à obtenir les bonnes réponses, dans ce cas je sollicite mes modèles mentaux pour prédire la réponse exacte et le feedback me permet de me corriger et d’apprendre quand je me trompe, soit je réponds au hasard dans le simple but de lire directement la bonne réponse. La situation qui produira le plus d’apprentissage sera la première car j’ai généré une boucle prédiction-feedback. A l’inverse, si je regarde la correction du quiz sans avoir cherché la solution par moi-même au préalable, je ne mets pas en place cette boucle prédiction-feedback : mon activité s’apparente à une lecture passive et je ne traite pas profondément l’information.
2.2 L’erreur
C’est la détection de l’erreur qui mène à la correction des modèles mentaux. Comme on dit, c’est en faisant des erreurs qu’on apprend. L’erreur est donc une opportunité de nous améliorer. C’est un évènement souhaitable dans l’apprentissage. Mais il ne peut y avoir d’erreur que s’il y a une prédiction, donc un engagement dans l’apprentissage.
Nota bene : prédiction ou prévision ?
Il serait plus juste de parler de “prévision” que de “prédiction”. En effet, “prévoir” fait référence à la perception (“voir”) de l’avenir alors que “prédire” fait référence à une annonce, une prise de position déclarée sur l’avenir. Dans le langage courant, nous disons d’ailleurs plus fréquemment “j’ai tout prévu” que “j’ai tout prédit”.
N’oubliez Jamais que
- Nos modèles mentaux :
- s’appuient sur notre mémoire
- s’activent lorsque notre cerveau fait une prédiction
- se corrigent et se calibrent grâce à la détection d’erreurs lors de feedback
Bibliographie
Dunlosky, J., Rawson, K. A., Marsh, E. J., Nathan, M. J., & Willingham, D. T. (2013). Improving Students’ Learning With Effective Learning Techniques : Promising Directions From Cognitive and Educational Psychology. Psychological Science in the Public Interest, 14(1), 4‑58. https://doi.org/10.1177/1529100612453266
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Karpicke, J. D., & Blunt, J. R. (2011). Retrieval Practice Produces More Learning than Elaborative Studying with Concept Mapping. Science, 331(6018), 772‑775.