Sommaire
Toggle1. L’expérience des radis
Un autre type d’expérience a permis de mieux comprendre comment fonctionne la volonté.
L’équipe de Roy Baumeister convia des étudiants en s’assurant qu’ils avaient déjà faim. Pour l’expérience, les chercheurs cuisinèrent de délicieux cookies. Les étudiants furent invités à s’asseoir à table où étaient présentés des cookies dégageant une bonne odeur, ainsi que des radis. Prétextant une étude sur le goût (qui était en fait fictive), la moitié des étudiants n’avait le droit de ne manger que des radis, l’autre que des cookies.
Les étudiants contraints au régime radis montraient un comportement de désir pour les cookies, un peu comme les enfants avec les marshmallows, en les dévorant des yeux et en les humant, bien qu’aucun d’entre eux n’allât jusqu’à enfreindre l’interdit et dévorer un cookie. Ils avaient dû faire un effort pour résister à la tentation et c’est exactement ce que recherchaient les expérimentateurs.
Une fois cette étape terminée, on présenta aux étudiants un problème de mathématiques à résoudre, prétextant une autre étude qui n’avait rien à voir avec la première. Ce que ne savaient pas les étudiants, c’est que le problème était insoluble et qu’on mesurait en fait le temps qu’ils persévéreraient à le résoudre avant d’abandonner.
2. Généralisation
Le résultat montra que les étudiants qui avaient dû mobiliser leur volonté dans la première tâche (résister à la tentation) avaient moins de volonté pour effectuer la seconde tâche (résoudre le problème) (Baumeister et al., 1998). Les étudiants qui ont eu la chance de déguster les cookies passèrent en 20 minutes à essayer de résoudre le problème de mathématiques. Alors que les étudiants qui étaient soumis à la tentation des cookies et contraints de manger des radis abandonnaient le problème de mathématiques au bout de 8 minutes en moyenne.
Baumeister et d’autres chercheurs publièrent beaucoup d’autres expériences de ce type en faisant varier les tâches : contrôle émotionnel (rester de marbre devant un film comique ou tragique), maintenir son engagement dans une tâche le plus longtemps possible (effort physique ou effort intellectuel), résister à la tentation, …
3. Théorie et controverse
Baumeister développa un large champ théorique pour interpréter ces résultats : l’épuisement de la volonté. Selon lui, nous disposons d’une réserve limitée et unique de volonté. Le fait de solliciter sa volonté pour une première tâche réduirait la volonté disponible pour la ou les tâches suivantes.
Nous avons déjà vu que le S2 possède des ressources limitées : l’attention et la mémoire de travail. Cette réserve de volonté serait une troisième ressource limitée du S2.
Baumeister publia en 2011 un ouvrage de vulgarisation « Le pouvoir de la volonté » dans lequel vous pourrez découvrir plus amplement cette théorie qu’il nomma « épuisement de l’ego » (Baumeister & Tierney, 2017). Néanmoins, ces théories se trouvent aujourd’hui contestées, d’autres équipes n’arrivant pas à répliquer ces résultats (Dang, 2018; Dang et al., 2020; Friese et al., 2019; Lurquin & Miyake, 2017). Le débat sur l’existence d’une réserve de volonté unique pour toutes les tâches reste alors ouvert.
Où en est le débat ? Les derniers travaux à grande échelle (12 équipes de chercheurs à travers le monde ont tenté des réplications parallèles, Dang et al., 2020) trouvent un effet réel mais de faible taille. Néanmoins les épreuves de volonté étant utilisées durant moins de 10 minutes, il reste possible que la taille de l’effet devienne grande sur des épreuves de volonté de plus longue durée comme le montrent de nouvelles expériences publiées (Radel et al., 2019; Sjåstad & Baumeister, 2018).
N’oubliez jamais que
- Le S2 exerce un contrôle sur la volonté
- Selon Baumeister nous avons une réserve limitée de volonté qui s’épuise selon les efforts réalisés
- Cette explication reste controversée
Pour aller plus loin, découvrez le livre de Roy Baumeister
Bibliographie
Baumeister, R. F., Bratslavsky, E., Muraven, M., & Tice, D. M. (1998). Ego depletion: Is the active self a limited resource? Journal of Personality and Social Psychology, 74(5), 1252.
Baumeister, R. F., & Tierney, J. (2017). Le pouvoir de la volonté. La nouvelle science du self-control. Flammarion.
Dang, J. (2018). An updated meta-analysis of the ego depletion effect. Psychological Research, 82(4), 645–651.
Dang, J., Barker, P., Baumert, A., Bentvelzen, M., Berkman, E., Buchholz, N., Buczny, J., Chen, Z., Cristofaro, V. D., Vries, L. de, Dewitte, S., Giacomantonio, M., Gong, R., Homan, M., Imhoff, R., Ismail, I., Jia, L., Kubiak, T., Lange, F., … Zinkernagel, A. (2020). A Multilab Replication of the Ego Depletion Effect: Social Psychological and Personality Science. https://doi.org/10.1177/1948550619887702
Friese, M., Loschelder, D. D., Gieseler, K., Frankenbach, J., & Inzlicht, M. (2019). Is ego depletion real? An analysis of arguments. Personality and Social Psychology Review, 23(2), 107–131.
Lurquin, J. H., & Miyake, A. (2017). Challenges to ego-depletion research go beyond the replication crisis: A need for tackling the conceptual crisis. Frontiers in Psychology, 8, 568.
Radel, R., Gruet, M., & Barzykowski, K. (2019). Testing the ego-depletion effect in optimized conditions. PLOS ONE, 14(3), e0213026. https://doi.org/10.1371/journal.pone.0213026
Sjåstad, H., & Baumeister, R. (2018). The Future and the Will: Planning requires self-control, and ego depletion leads to planning aversion. Journal of Experimental Social Psychology, 76, 127–141. https://doi.org/10.1016/j.jesp.2018.01.005