L’effet test

Commençons par étudier l’efficacité de la méthode de révision n°1 des étudiants : la relecture. Pourquoi la relecture semble si efficace pour apprendre ?

Pour répondre à cette question, revenons sur les opérations effectuées par notre mémoire.

Quand on lit un cours, on encode l’information ; puis quand on passe un examen ou qu’on met la connaissance en pratique, on récupère l’information. Le stockage se situe entre les deux. L’opération d’encodage semble donc être la voie royale pour bien mémoriser les informations et pour maximiser l’apprentissage pour l’examen. En lisant et en relisant plusieurs fois un même cours, nous devrions mieux le retenir car nous envoyons plus d’informations à traiter pas notre cerveau. Et c’est ce que font les étudiants la majorité du temps.

1       Comparaison de la relecture et du rappel libre

1.1       Protocole

Pour vérifier que l’encodage est le principe qui rend efficace la relecture, il faut réaliser une expérience scientifique. Celle-ci a été effectuée en 2006 par Karpicke et Roediger. (Roediger III & Karpicke, 2006)

Ils ont choisi de comparer l’impact de la relecture sur l’apprentissage avec une autre tâche qui n’implique aucune activité d’encodage : donner une feuille blanche aux participants et leur demander d’écrire dessus tout ce qu’ils ont retenu. On appelle ça du rappel libre.

Donc on prend 2 groupes d’étudiants, on leur fait lire le même texte. Dans un second temps, on les sépare en un groupe A qui relit et un groupe B qui fait le rappel libre.

Dans un troisième temps, 5 minutes après, on teste cette fois les 2 groupes pour mesurer la quantité d’information retenue par les participants.

1.2       Résultat immédiat

Voyons les résultats

Bien. Les résultats donnent systématiquement l’avantage à la relecture, ce qui nous conforte dans notre hypothèse de départ : mieux vaut relire que faire du rappel libre. C’est ce que nous dit notre intuition, et notre intuition semble, pour le moment, avoir raison.

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1.3       Estimation des étudiants

Comme on l’a déjà dit, dans la vraie vie, on étudie non pas pour améliorer notre performance 5 minutes après mais pour les améliorer sur le long terme, voire le très long terme. Donc étudions ce qui va se passer dans un futur beaucoup moins proche.

On peut commencer par poser la question directement aux étudiants en leur demandant d’estimer leurs performances dans le futur, par exemple à 1 semaine.

Le groupe A, le groupe des relecteurs, donne des estimations de performances à venir supérieures à celles du groupe B. Autrement dit, relire son cours donne plus d’assurance sur ses performances à venir que faire du rappel libre.

1.4       Résultat à long terme

Refaisons maintenant l’expérience en mesurant la rétention en mémoire des deux groupes, c’est-à-dire, ce dont ils se rappellent du texte étudié, 2 jours après la phase d’apprentissage puis 1 semaine après.

Qu’observons-nous ?

Surprise ! Les performances s’inversent complètement avec le temps. Le groupe B du rappel libre, une semaine plus tard, est beaucoup plus performant que le groupe A, de la relecture.

1.5       L’erreur de jugement

Pourtant c’est contraire aux estimations des personnes qui ont participé à l’expérience, comme aux nombreuses autres expériences qui prouvent que nous sommes massivement concernés par ces erreurs de prédiction. Pourquoi faisons-nous systématiquement ces erreurs de prédiction ? Pour 3 raisons :

  1. Premièrement, comme nous l’avons vu, nous estimons nos performances futures en les calquant sur nos performances actuelles. Comme la relecture donne une meilleure disponibilité de l’information dans l’immédiat, nous avons l’impression de posséder les connaissances. C’est une erreur d’interprétation de notre Système 1, un biais cognitif qu’on appelle l’illusion d’apprentissage.
  2. Deuxièmement, quand nous relisons, l’information est accessible. C’est normal car nous l’avons sous les yeux. Quand nous faisons du rappel libre, l’information n’est plus accessible que depuis notre mémoire. Nous pouvons déjà ressentir des difficultés à y accéder, ce qui nous fait revoir l’estimation de nos performances futures à la baisse.
  3. Troisièmement, la plupart d’entre nous ne connaissent pas l’impact du rappel libre sur la mémoire.

2       Ce qui rend le rappel libre si efficace

Voyons plus précisément les opérations à l’œuvre dans notre cerveau :

Le rappel libre entraîne en fait un ralentissement de la courbe de l’oubli : c’est la consolidation de la trace mnésique. Les informations rappelées deviennent plus stables dans la mémoire.

Comment peut-on l’expliquer ?

Derrière le rappel libre c’est la récupération qui provoque la consolidation de la trace mnésique.

Rappelez-vous du cours sur la mémoire, on avait vu les 3 opérations de la mémoire (encodage, stockage, récupération) et les 3 étapes du processus d’apprentissage (acquisition, consolidation, utilisation). Ce qui rend efficace l’étape 2 de l’apprentissage, la consolidation, c’est d’effectuer l’opération 3 de la mémoire, la récupération.

3       Le mécanisme

Lorsque vous, votre système 2, faites un effort pour récupérer une connaissance, vous devez trouver un chemin dans votre mémoire à long terme pour en retrouver la trace. Cet effort de récupération indique au Système 1 qu’il faut consolider la trace mnésique.

Quand vous réfléchissez au sujet étudié, vous multipliez et vous consolidez les chemins qui mènent à la connaissance.

Avec de multiples récupérations, les chemins d’accès à la connaissance deviennent semblables aux racines d’un arbre. La connaissance s’enracine peu à peu dans votre mémoire à long terme et fini par intégrer le Système 1.

Réactiver l’ensemble du chemin neuronal structure et renforce les traces mnésiques bien plus fortement que si vous relisez (Roberto Cabeza, 2013).

La mémoire sert à accéder aux informations dont nous avons besoin, mais qui ne sont plus disponibles par nos sens (la relecture, l’écoute par exemple).

C’est donc en créant le besoin de l’information mais sans y avoir accès par les sens que nous poussons notre Système 1 à la consolider.

A l’inverse, si nous avons l’information sous les yeux, nous la rendons bien plus facilement accessible. La mémorisation n’est plus perçue comme nécessaire par notre système 1 : il suffit d’ouvrir son cours pour retrouver l’information, sans fournir un réel effort.

4       Comment mettre en pratique la récupération

La récupération, le principe qui provoque la consolidation de l’apprentissage, est activée dès qu’on se teste. C’est pour ça qu’on l’appelle aussi « l’effet test ». Vous tester en faisant du rappel libre active cet « effet test » mais vous l’activez aussi dans la plupart des exercices, dès que vous récupérez des informations en mémoire.

La différence entre test et relecture : c’est actif vs passif. Dans un cas on est vraiment engagé dans le processus de consolidation pour favoriser une récupération ultérieure optimale, dans l’autre cas on a une posture passive face à l’information qui est directement sous nos yeux et on peut relire à l’infini sans prendre le risque de savoir si on connaît vraiment.

5       Comment rendre la révision plus efficace

Pour améliorer nos révisions sans travailler plus, il faut remplacer la relecture par le test aussi souvent que possible. Le test peut prendre différentes formes comme réécrire ce dont on se rappelle du cours, réexpliquer le cours à quelqu’un ou encore faire des exercices sans les réponses sous les yeux, évidemment.

C’est pour ça que nous avons placé des quiz dans la formation. En faisant ces quiz, vous consolidez les informations fraîchement acquises.           

N’oubliez Jamais

Votre intuition vous induit en erreur avec cette illusion d’apprentissage quand on relit, alors que le test vous ouvre les yeux sur votre niveau réel, tout en renforçant vos performances. L’illusion d’apprentissage est un biais cognitif qui défavorise l’apprentissage.

La relecture, la stratégie numéro 1 des étudiants, donne l’illusion d’apprendre mais si vous ne voulez pas perdre ni votre temps ni vos apprentissages, choisissez de vous tester plutôt que de relire vos cours et vous verrez vos apprentissages s’améliorer avec le temps.

On a tous appris que le contrôle à l’école est là pour juger notre apprentissage. Ce que nous venons de découvrir, c’est qu’avant d’être un outil d’évaluation, le premier intérêt du test est d’être le meilleur outil d’apprentissage qui existe : c’est lui qui permet la consolidation des apprentissages. C’est ce qu’on nomme “évaluation formative” en pédagogie.

Comprendre le versant neuroscientifique du cours par Steve Masson

Bibliographie

Roberto Cabeza, E. A. W. (2013). Neural correlates of retrieval-based memory enhancement : An fMRI study of the testing effect. Neuropsychologia51(12), 2360‑2370. https://doi.org/10.1016/j.neuropsychologia.2013.04.004

Roediger III, H. L., & Karpicke, J. D. (2006). Test-enhanced learning : Taking memory tests improves long-term retention. Psychological science17(3), 249–255.

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