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Des biais cognitifs à la rationalité

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1. Les biais cognitifs

Comment fonctionne exactement notre Système 1 pour comprendre et nous fournir des intuitions ?

Le Système 1 se décompose en fait en une diversité de sous-systèmes qui travaillent en parallèle mais différemment.

Le système heuristique fait partie de ces sous-systèmes. Ce système particulier fonctionne par association. Il détecte des indices puis formule des réponses associées à ces indices. Et quand on lui pose une question à laquelle il ne sait pas répondre, il transforme la question pour savoir y répondre.

Nous avons vu le cas avec la mémoire dans les jugements d’apprentissage. Lorsque nous posons la question « Quelles seront tes performances sur ce cours dans une semaine ? », notre Système 1 ne sait pas répondre. Il se comporte donc comme si on lui avait posé la question « Quelles sont tes performances actuelles sur ce cours ? ». C’est ce qu’on appelle le système heuristique. Ce sont des raccourcis qui normalement permettent de donner des réponses rapides mais l’inconvénient, c’est que le taux d’erreur est élevé. On dit que ces erreurs sont des erreurs « systématiques », parce qu’elles reviennent tout le temps et qu’elles sont liées au système de traitement de l’information.

Ce type d’erreur de jugement est appelé un biais cognitif. L’étude des biais cognitifs intéresse de plus en plus les chercheurs car ils expliquent en partie les limites de nos performances dans un certain nombre de situations. Si Daniel Kahneman, qui est psychologue, a obtenu le prix Nobel d’Économie en 2002, c’est parce qu’il a démontré que les biais cognitifs remettent complètement en question les modèles et les prévisions économiques. Un deuxième expert de la question, Richard Thaler, a lui aussi reçu un prix Nobel d’Économie en 2017 pour les mêmes raisons.

Eh bien pour l’apprentissage, c’est pareil. Des biais cognitifs tels que l’oubli de l’oubli, l’illusion d’apprentissage ou l’illusion de compréhension peuvent expliquer pourquoi nous n’apprenons pas mieux ou pas plus vite.

2. Différence entre intelligence et rationalité

Pour comprendre un peu mieux comment fonctionne votre réflexion, commencez par répondre à ces questions simples :

Test de Réflexion Cognitive de Shane Frederick

  1. Une batte et une balle coûtent 1,10 euros. La batte coûte 1 euro de plus que la balle. Combien coûte la balle ?

Correction

Pour la « machine associative » du Système 1, 1,10€ se décompose en 1€ ET 10 centimes. Le système associe 1€ à la batte et 10 centimes à la balle. Vérifions le résultat avec notre Système 2. Si la batte coûte 1€ de plus que la balle et que la balle coûte 10 centimes, alors la batte coûte 1,10€. La batte plus la balle coûtent donc 1,10€ plus 10 centimes, c’est à dire 1,20€. La bonne réponse devient alors plus facile à trouver : la balle coûte en fait 5 centimes.

2. S’il faut à 5 machines 5 minutes pour fabriquer 5 gadgets, combien de temps faudra-t-il à 100 machines pour fabriquer 100 gadgets ?

Correction

Notre Système 1 est tenté de répondre 100 minutes. En fait pour chaque machine, il faut 5 minutes pour fabriquer 1 gadget. 100 machines mettront donc 5 minutes à fabriquer 100 gadgets.

3. Dans un lac se trouve un banc de nénuphars. Chaque jour, le banc double de superficie. S’il lui faut 20 jours pour couvrir toute la surface du lac, combien lui en faudra-t-il pour couvrir la moitié ?

Correction

Notre Système 1 a envie de prendre le temps total, 20 jours, de le diviser par 2 et de répondre 10 jours. Vérifions avec notre Système 2. Si la surface couverte double chaque jour et que la moitié du lac est recouvert dès le 10e jour, que se passera-t-il le jour suivant ? La surface recouverte doublera et le lac sera donc totalement recouvert. La bonne réponse est donc que la moitié du lac sera recouverte la veille du jour où le lac sera complètement recouvert, c’est à dire au 19e jour.

Selon le père fondateur du paradigme Système 1 / Système 2, Keith Stanovich, une grande part des erreurs commises sont évitées lorsque les intuitions du Système 1 sont suivies par un contrôle et un retraitement rigoureux de l’information par le Système 2. Mais le Système 2 a tendance à être paresseux de façon plus ou moins prononcée selon les individus.

Keith Stanovich présente l’intelligence comme la capacité de traitement de l’information fournit par le Système 2 et la rationalité, une autre qualité, comme la capacité à activer le Système 2 au bon moment.

Le TRC, Test de Réflexion Cognitive de Shane Frederick, est conçu pour tester si votre Système 2 fait l’effort de vérifier les réponses suggérées par votre Système 1.

Il ne dit rien de votre intelligence, mais s’intéresse à la paresse de votre Système 2. C’est à cause de cette paresse qu’on tombe dans de nombreux pièges. Si vous avez commis des erreurs sur ces tests, rassurez-vous : 90% des étudiants de Princeton, prestigieuse université américaine, commettent au moins 1 erreur au test. Si c’est votre cas, alors vous avez une marge de progression.

Pour Olivier Houdé, professeur de psychologie à l’Université Paris-Descartes  la capacité à éviter les pièges tient une place centrale dans l’apprentissage. Selon lui, on peut apprendre à activer son raisonnement au moment opportun en s’entraînant à éviter les erreurs de raisonnement. Pour lui, la rationalité est un système à part entière : c’est le système d’inhibition du Système 1, il l’appelle le Système 3.

Schématisation des systèmes cognitifs. Lorsque les stratégies de résolution de problème entrent en conflit, il y a trois systèmes : les heuristiques dominantes (D. Kahneman), les algorithmes exacts ou règles logiques (J. Piaget) et le système inhibiteur qui permet d’arbitrer entre les unes et les autres (O. Houdé). Extrait de « L’école du cerveau » d’Olivier Houdé (Houdé, 2018)

3. Les disciplines rationnelles

Un certain nombre de disciplines cherchent à produire des raisonnements qui évitent les erreurs de jugement.

Depuis l’Antiquité, il existe une discipline qui s’intéresse à la pensée rationnelle : la philosophie. La plupart des disciplines scientifiques qui ont fait tellement évoluer notre société depuis l’époque des Lumières, descendent directement de la philosophie, comme c’est le cas pour la physique, la psychologie, et bien d’autres encore.

L’épistémologie hérite aussi de la philosophie et s’intéresse notamment à la question de savoir ce qu’on peut désigner comme une preuve scientifique, et ce que veut dire « scientifique ».

Ces disciplines affutent l’esprit critique. La zététique est une discipline proche qui explique comment réutiliser ces méthodes de raisonnement dans la vie de tous les jours, pour des questions auxquelles nous sommes confrontés au quotidien. Nous vous encourageons à aller voir des pages de vidéastes qui présentent ces méthodes de raisonnement et qui contribuent à lutter contre les erreurs de jugement dans lesquelles nous tombons si facilement :

N’oubliez Jamais que

  • Le sous-système heuristique du Système 1 simplifie les questions pour les traiter plus facilement, ce qui conduit parfois à des erreurs : les biais cognitifs
  • Retraiter le problème par le Système 2 permet de rectifier les erreurs, mais comme ce système est « paresseux », il ne le fait qu’occasionnellement
  • La rationalité désigne la capacité à engager le Système 2 pour vérifier les intuitions provenant du Système 1 et corriger ses erreurs de raisonnement
  • Certaines disciplines, dont la philosophie, l’épistémologie et la zététique, permettent de développer la rationalité

Compléments

Définitions

  • Biais = écart par rapport à une norme (la réalité, ce qui est attendu, la logique, …)
  • Biais cognitifs = écart par rapport à la pensée logique et rationnelle

Codex des biais cognitifs

Vous trouverez un recensement de 175 biais cognitifs classés et expliqué dans ce magnifique travail réalisé par Buster Benson et traduit ici en français :

Conférence TED de Dan Ariely, spécialiste des biais cognitifs au MIT

Découvrez le livre de Dan Ariely sur les biais cognitifs

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